Manifestation à Arcachon : des eaux usées aux chantiers, la nature en danger

12 Mai 2025 | Arcachon | Par Killian Lemaitre - - Morais

Temps de lecture : 5 minutes

Samedi 10 mai, près de 150 personnes ont défilé dans les rues d’Arcachon pour dénoncer la gestion de l’eau, la bétonisation croissante et les excès du tourisme sur le Bassin d’Arcachon. Cette mobilisation, organisée par Betey plage Boisée, ainsi que d’autres associations environnementales comme l’Adeba, Bassin d’Arcachon écologie, et les écocitoyens du Bassin d’Arcachon. Ces derniers interviennent dans un contexte de vives tensions autour de la politique d’assainissement menée par le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA). 

Rassemblement de la Sepanso, l’Adela et la Ceba devant la sous-préfecture d’Arcachon, fêtant le début de leur action bienveillante.

Un permis de polluer dénoncé devant la justice

Au cœur de la contestation : la récente décision préfectorale a autorisé, en cas de « circonstances exceptionnelles », le rejet d’eaux usées non traitées dans le Bassin. Cette mesure, justifiée par le SIBA comme une réponse aux risques de saturation du réseau lors de fortes pluies, est vivement contestée par les associations, ostréiculteurs et riverains, qui y voient un “permis de polluer”.

Ces arrêtés font actuellement l’objet d’un recours en justice : une audience est prévue le 13 mai, à la demande des associations qui dénoncent des conséquences “irréversibles” pour la faune, la flore, la qualité des eaux de baignade et l’ostréiculture. 

Manifestation festive et symbolique

Le cortège, parti de la sous-préfecture jusqu’au front de mer, a mis en scène la pollution du Bassin : pancartes choc (“Bassin d’Arcachon, vacances à la mer-de”), bidons symbolisant les polluants (antifoulings, pesticides, détergents), et une installation représentant un cabinet de toilette relié à une évacuation estampillée SIBA. Les manifestants ont voulu interpeller les touristes et les habitants sur la disparition du vivant et l’urgence écologique. Une manière festive de se révolter sans violence ni haine. Quelques manifestants étaient déguisés en pieuvres, hippocampes en chantant leur slogan : “Non, non, non au rejet des eaux usées; oui, oui, oui à la biodiversité”. 

Elisabeth, membre de l’ADEBA (Association de Défense des eaux du Bassin d’Arcachon), défend ses idées bien précises : “Le classement de label plages, les plages intra bassin d’Arcachon ont des classements peu positifs, les huîtres meurent, on veut rétablir le bassin d’Arcachon avec de la vie, de la biodiversité et quelque chose qui ne soit pas polluée”. Malgré un combat sur tous les fronts : conférences, manifestations, et même poursuites judiciaires, elle n’accuse pas tout le monde à tort et à travers : “Ce n’est pas que le maire d’Arcachon qui doit prendre conscience, ce sont tous ceux du Bassin. Ils en ont déjà pris conscience, on ne leur jette pas la pierre, notre idée, c’est faire en sorte qu'ils se bougent plus”. 

Gestion du SIBA et responsabilité pointée

La gestion du SIBA (Syndicat Intercontinental du Bassin d’Arcachon) est au centre de la polémique, avec des accusations de graves dysfonctionnements, de manque d’entretien du réseau et de suivi jugé insuffisant des débordements. Deux cadres du SIBA et de Veolia ont même été placés en garde à vue pour “pollution”, “écocide” et “mise en danger de la vie d’autrui”  après les débordements de l’hiver 2023-2024. Cette entreprise est la seule à avoir un impact réel sur la gestion de ces eaux usées, ce qui en fait un monopole qui contrarie les manifestants qui dénoncent : “un abus de pouvoir” et “un manque de décisions par plusieurs acteurs importants et égaux”.  

Les associations réclament l’intervention d’un organisme indépendant pour contrôler les pratiques du syndicat et la fin de l’artificialisation des sols dans les secteurs sensibles. La mauvaise gestion des eaux usées était au centre de cette manifestation au vu de la dégradation des eaux et de toute la biodiversité du Bassin. La bonne pratique de l’ostréiculture est aussi en danger, ce qui agace fortement les pratiquants aguerris de cette pratique traditionnelle locale. Ce n’est plus un secret pour personne, depuis plusieurs années, les eaux et la bonne pratique des huîtres se détériorent. Les ostréiculteurs sont choqués par la différence de santé de la biodiversité du Bassin  d’Arcachon et espèrent un retour à la normale. “On doit sensibiliser les citoyens sur les conséquences des choix politiques qui aboutissent à la mort du métier d'ostréiculteurs” affirme Vital Baude, écologiste et membre au conseil municipal d’Arcachon. 

Rassemblements de presque 150 manifestants investis dans une idée de carnaval avec plusieurs déguisements et le fameux char placé à gauche de l’image.

Un hôtel 5 étoiles mal reçu

Le projet prévoit la démolition du musée-aquarium d’Arcachon, fondé en 1866, et de la station marine pour construire un hôtel cinq étoiles en front de mer, porté par le groupe Duval avec le soutien de la mairie. Fermé depuis novembre 2020, le site a été vendu par l’Université de Bordeaux à la mairie en 2021. Cette initiative provoque une forte mobilisation de la Société scientifique d’Arcachon, des riverains et d’associations patrimoniales, qui dénoncent la perte d’un patrimoine unique et la dispersion de collections scientifiques. Plusieurs recours juridiques sont en cours : en février 2023, la justice a annulé le permis de démolir, suspendant le projet, mais un nouveau permis a été déposé en mars 2024 et les opposants poursuivent leur action devant le Conseil d’État. Ce dossier cristallise la tension entre développement touristique haut de gamme et préservation du patrimoine local. Les associations du Bassin n'interdisent pas la venue d’un hôtel 5 étoiles, mais ne veulent pas perdre une partie de leur histoire et de leur patrimoine. C’est ça la base même de leur action : Conserver un Bassin d’Arcachon unis, naturel, propre et fidèle à son histoire et son patrimoine. Thierry nous explique ce raisonnement au micro : “ Mais peut-on appeler progrès une évolution qui anéanti le vivant, peut appeler progrès, l’utilisation massive et systématique de produits toxiques”.  

“Ce lieu était aussi un lieu de promotion de valeur altruiste, qui mettait à porter de tous les merveilles de la nature”, Elisabeth revient sur ce qui définissait l’ancien aquarium et centre de recherche, une belle façon de rendre hommage à un lieu qui, selon elle, se doit de rester dans l’histoire de la ville d’Arcachon et ne doit pas être détruit. “Il s’agit de la privatisation du collectif au profit de certain, au sacrifice du futur au profit de l'immédiateté”.

Bétonisation et surtourisme dans le viseur

Au-delà des eaux usées, la manifestation a aussi dénoncé la bétonisation, la disparition des réseaux hydrauliques naturels et le surtourisme. Les locaux dénoncent une trop grande expansion démographique qui n’est pas en accord avec l’espace géographique du bassin et qui a, selon eux, trop d’impact sur l’environnement local. Vital Baude essaye d’agir à son échelle contre cette politique : “Il ne faut pas rester les bras croisés, on doit réorienter nos décisions politiques”.

Alors que le conseil de gestion du Parc naturel marin doit rendre un avis sur les projets d’arrêtés, la pression citoyenne et judiciaire s’intensifie. Les associations préviennent : si les arrêtés sont maintenus, de nouveaux recours seront engagés. Sur la place Thiers, le discours de Jacques Chirac résonnait : “Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas”. Une façon de faire entendre un “‘laxisme” de la part des pouvoirs publics sur une situation environnementale de plus en plus alarmante.

Réalisée par Lolie Gonzalez: Sur la place Thiers, le discours de Jacques Chirac résonnait :

Un combat sans fin ?

Clarisse, présidente de l'association Le betey, plage boisée à sauvegarder la coordinatrice de la manifestation revient sur une idée fondée sur l’impact sur les autres : “Bruno et moi-même avons eu l’idée de cette manifestation festive pour attirer l’attention des citoyens et des pouvoirs publics contre la mort du bassin et de l'ostréiculture.” Elle est satisfaite de son action : “On était 120, ce qui est pas mal, les gens ont fait preuve d'imagination avec un char magnifique” et souhaite continuer de plus belle : “On va continuer notre cycle de conférences pour avoir les avis des experts, on imagine des solutions, peut être des pétitions, actions en justice et d’autres manifestations”.

Thierry Lafont, président d’ADEBA et ostréiculteur, reste tout de même sur sa faim : “L’action a été réussie, la vraie attente maintenant se trouve sur le comportement des pouvoirs publics et leurs actions”. Une réponse au niveau juridique est attendue : “Pour être plus efficace, on a déposé des rapports en justice contre les arrêtés préfectoraux”. Heureusement, les associations peuvent compter sur la sénatrice Monique de Marco qui donne son soutien total aux manifestants et aux associations présente : “Je suis toujours présente pour relayer les préoccupations environnementales auprès des ministères et des préfets”. 

Retour en image sur les différents panneaux, déguisements et discours marquants de cette manifestation du 10 mai 2025 à Arcachon : 

Réalisée par Lolie Gonzalez:

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